Cluster 13

Projet Genre et culture

Expressions, pratiques et représentations de la différence des sexes à la Renaissance.

27 avril 2007
contact : Eliane Viennot

Au sein des études sur les rapports sociaux de sexe dans le champ culturel, fort peu représentées en France, la place des recherches portant sur l’Ancien Régime est encore plus réduite. Cette carence est particulièrement dommageable pour ce qui concerne la Renaissance, car la période voit à la fois une recomposition profonde de la scène culturelle (avec l’invention de l’imprimerie, l’accès de couches de plus en plus larges à l’éducation, le mécénat des régentes) et le développement de l’immense « Querelle des femmes », à laquelle ont contribué tous les intellectuel-les de l’époque. La région lyonnaise (au sens large) possède à cet égard un patrimoine d’une richesse considérable, puisque la Cour y a séjourné régulièrement durant toute la période des guerres d’Italie (1495-1559), permettant l’épanouissement d’une vie intellectuelle et culturelle caractérisée par son ouverture et sa mixité. Spécialiste des relations entre les hommes, les femmes et le pouvoir, Éliane Viennot travaille depuis une vingtaine d’années à développer ces recherches. Au-delà de ses travaux personnels (sur Marguerite de Valois/la reine Margot, Anne de France, la Querelle, l’écriture de l’histoire...), elle a tenté par divers moyens de favoriser l’essor de ces études et la prise de conscience de leur importance, aussi bien par le milieu des études « seiziémistes » (essentiellement tourné vers les activités masculines) que par celui des études « féministes » (essentiellement tourné vers la période contemporaine). Elle a fondé la Société Internationale pour l’Étude de l’Ancien Régime (www.siefar.org), association qui a co-organisé les deux éditions françaises des colloques « femmes écrivains sous l’Ancien Régime » (Rennes, 2002, Rouen, 2005) . Elle a également ouvert aux périodes anciennes le séminaire « rapport sociaux de sexe dans le champ culturel » du Centre d’Histoire culturelle des sociétés contemporaines (Versailles Saint-Quentin-en-Yvelines) qu’elle a co-dirigé entre 2000 et 2005. Après sa nomination à l’IUF (2003), elle a créé deux collections à l’Université de Saint-Étienne : l’une, de « classiques féminins » aujourd’hui sortis du catalogue (« la cité des dames », livres de poches en orthographe modernisée, 2 volumes par an) ; l’autre, d’ouvrages thématiques mettant à la portée du public universitaire français les résultats de la recherche contemporaine (« l’école du genre », 1 volume paru, plusieurs en cours de réalisation).

La présente proposition vise à approfondir les recherches sur la mixité du pouvoir à la Renaissance et les conceptions de la différence des sexes qui les sous-tendent. Il s’agit d’une part de mieux connaître les relations entre les femmes au pouvoir (Anne de France, Louise de Savoie, Diane de Poitiers, Catherine de Médicis, Marie de Médicis) ou les dirigeantes des grandes familles (Bourbon, Condé, Guise, Longueville...) et les artistes, savants, hommes de lettres qui étaient à leur service. Cet aspect très développé de l’activité artistique et intellectuelle à l’époque n’est quasiment jamais étudié, excepté dans les monographies sur telle ou telle femme, c’est-à-dire par des historiens-biographes qui ne sont pas spécialistes des champs artistiques ou intellectuels concernés. Il s’agit d’autre part de mieux comprendre les relations complexes entre la mixité très développée des pratiques du pouvoir à la Renaissance, et l’inflation des discours normatifs « différentialistes » qui caractérise l’époque, notamment dans le domaine de l’éducation, où l’écart tend à se creuser entre les sexes. Les traités sur l’éducation des femmes viennent-ils « contrer » des pratiques ressenties comme trop égalitaires ? ou les masquer ? ou les rendre acceptables ? Ces distorsions reflètent-elles des conflits au sein des élites (idéal nobiliaire/idéal clérical/idéal bourgeois) ou de plus subtiles stratégies ?

LES ACTIONS envisagées pour réaliser cette proposition sont les suivantes : • Une recherche sur les écrits relatifs à l’éducation des femmes aux XVe et XVIe siècles. L’objectif est de poursuivre les rares recherches effectuées au cours du dernier demi-siècle (Kelso, 1956 ; Bornstein, 1983, Armstrong & Tennenhouse, 1987 ; Timmermans, 1993 ; Lequain, 2005), afin d’aboutir d’une part à une meilleure connaissance des auteurs/autrices de traités pédagogiques (milieux, types de liens avec les grands et les autorités politiques, « objectifs de carrière », place du ou des traités pédagogiques dans leur œuvre...), et d’autre part à une meilleure compréhension de la spécificité de ces écrits (analyses génériques, thématiques, étude de réception, repérage des différences ou similarités avec les traités d’éducation des garçons...). Cette recherche déboucherait :
- sur un SITE INTERNET consacré à l’éducation des femmes à la Renaissance (histoire, fiches sur les auteurs/autrices de traités, synthèses sur les œuvres, textes en ligne...).
- sur la publication du texte fondateur de Christine de Pizan, le Livre des trois vertus (1405), dans la collection « la cité des dames » (un autre traité doit paraître dans cette collection au printemps 2006 : les Enseignements d’Anne de France à sa fille, 1505, éd. Tatiana Clavier & É. Viennot) (financement Institut Longeon/IUF). • Une JOURNEE D’ETUDE, à Lyon, en 2007, consacrée à la Renaissance lyonnaise, à l’occasion de la sortie du volume Patronnes et mécènes à la Renaissance, d’Anne de France à Catherine de Médicis, sous la direction de Kathleen Wilson-Chevalier (« l’école du genre », série Synthèses et documents). Les résultats de ce travail de synthèse, qui réunit actuellement de nombreux spécialistes de l’histoire de l’art, seront présentés à des spécialistes de la Renaissance lyonnaise, eux-mêmes invités à faire part de leurs recherches sur l’activité des femmes mécènes dans la région. • Un colloque international, à Saint-Étienne et dans la région, en 2008, sur le thème « Femmes d’État et hommes de lettres à la Renaissance ». Il s’agit d’inviter les spécialistes des différents auteurs de la période (humanistes, historiens, poètes de cour, polémistes...) à tourner leur regard du côté des femmes au pouvoir et non plus du côté des rois (les rhétoriqueurs et Marguerite d’Autriche, Marot-père et Anne de Bretagne, la pléiade et Diane de Poitiers...) afin de caractériser les relations existant entre eux et de mieux comprendre la gestion des pouvoirs culturels au plus haut niveau. Ce colloque sera piloté par un comité scientifique réunissant notamment Jean-Claude Arnould (Univ. de Rouen), Évelyne Berriot-Salvadore (Univ. de Montpellier III), Michèle Clément (Univ. Lyon II), Chloé Pardanaud (Univ. Saint-Étienne).



Établissements rhônalpins engagés :
— Université Lumière Lyon 2 (établissement porteur), ENS-LSH (établissement d’hébergement)
— INSA, Université Claude Bernard Lyon 1, Université Jean Moulin Lyon 3, Université de Savoie (Chambéry), Université Stendhal Grenoble 3, Université Pierre-Mendès France Grenoble 2, Université Jean Monnet Saint-Étienne

Le CNRS participe à travers ses chercheurs à temps plein et son rôle d’opérateur national auprès des unités de recherche ou de service dont il partage la tutelle avec les établissements précités, y compris l’Institut des Sciences de l’Homme.

Dans la seule limite de ses moyens, le cluster a naturellement vocation à faire bon accueil à toute proposition en rapport avec ses thématiques lorsqu’elle émane de collectivités territoriales, d’associations, d’institutions ou d’entreprises rhônalpines.