Informations et inscriptions : laurence.brogniez(à)fundp.ac.be
Séminaire doctoral ED3 & ED4, organisé par le Département de Langues et Littératures françaises et romanes et le Département d’Histoire de l’Art et Archéologie
Avec la collaboration de LIRE et le soutien du cluster 13 "Culture, patrimoine, création" de la Région Rhône-Alpes
Facultés Universitaires Notre-Dame de la Paix (Namur)
— 61 rue de Bruxelles (L6 & L3)
— 5000 Namur
Participation au repas de midi : 8 euros (sur inscription)
Quel est l’apport des femmes à la production du discours critique tant dans le domaine de la littérature que celui des arts ? Si cette question est restée longtemps ignorée, voire occultée ou jugée peu pertinente, elle a été l’objet, au XXe siècle, d’un investissement massif par la critique féministe qui s’est chargée de construire et d’articuler ce discours autour de l’affirmation d’une perception de l’art propre aux femmes. Ce regard féministe militant sur les arts a certes permis l’exhumation d’un nombre important de créatrices « oubliées » par l’histoire de l’art et l’histoire littéraire traditionnelles ; il laisse néanmoins en suspens la question du regard féminin porté sur les productions artistiques, tel qu’il a pu se constituer et se développer au cours de l’histoire au gré des résistances et des ouvertures au sein de l’institution culturelle.
Longtemps la faculté d’élaborer un discours théorique a en effet été déniée aux femmes, et par là même, la possibilité d’exercer le rôle de chefs de file, d’autorités intellectuelles ou d’innovatrices. Au cours des siècles, nombreuses furent les intellectuelles à avoir dû ruser avec l’institution pour faire entendre leur voix et obtenir la reconnaissance.
C’est ce discours critique féminin, mais non nécessairement féministe, porté sur les arts et les lettres, que l’équipe de recherche « Femmes et critique(s) » se propose d’aborder dans le cadre de cette première journée d’études à caractère exploratoire, dont le but est de confronter les méthodes et les perspectives de recherche et de permettre les échanges entre doctorants, chercheurs et équipes dont les intérêts rencontrent la question du rôle des femmes dans l’élaboration des discours critiques sur l’art.
Privilégiant la dimension historique et l’ouverture théorique, il s’agira d’interroger le champ des arts plastiques, de la littérature et du cinéma, du XIXe au XXIe siècle, sans privilégier d’espace culturel précis. Les discussions de la journée du 7 mars 2008 s’articuleront autour des trois axes suivants :
Dès le XIXe siècle, l’entrée massive des femmes en littérature semble clairement s’accompagner d’un processus de différenciation que sous-tend une vision essentialiste du féminin, laquelle tend non seulement à circonscrire l’espace de reconnaissance, mais également à homogénéiser et donc à réduire les œuvres de femmes en les regroupant sous l’étiquette de « littérature féminine ». Parallèlement à ce discours masculin sur les productions féminines, les spécificités prêtées à la littérature féminine du point de vue féminin méritent, tout autant, la plus grande attention. La critique féminine pose en effet la question de l’intériorisation par les femmes du discours différentialiste initialement élaboré par les hommes, de sa réappropriation ou au contraire de son refus. S’interroger sur le rôle joué par les femmes écrivains dans leur propre réception suppose donc une rupture avec l’historiographie littéraire traditionnelle qui sous-entend la passivité des femmes écrivains. La perspective envisagée pose donc inévitablement la question de l’accès des femmes au discours critique. De nombreux travaux, et notamment ceux de Christine Planté, ont en effet montré l’accès inégal des femmes aux différentes modalités d’écriture. La critique littéraire féminine pose la question de la crédibilité accordée aux auteures et de leur participation effective aux transformations du champ littéraire, de leurs apports spécifiques aux théories de la littérature.
Partant d’une perspective socio-historique, il serait intéressant de s’interroger sur les lieux où s’élabore cette critique littéraire féminine, et notamment de poser la question du rapport entre littérature et féminisme. Si les apports de la critique littéraire féministe telle qu’elle apparaît en France, dans les années 70, sont aujourd’hui connus, ils restent largement inexplorés pour la fin du XIXe et la première moitié du XXe siècle. En France, ou encore en Belgique, le tournant du siècle marque pourtant l’émergence d’un féminisme organisé qui mérite d’être interrogé sous l’angle de la réflexion ou des initiatives menées dans le domaine des lettres. Durant cette demi-journée consacrée à la littérature, nous souhaitons également mettre tout particulièrement l’accent sur l’articulation « genre et presse ». Comme espace de représentation et de redéfinition de la différence entre les sexes, la presse favorise en effet les constructions identitaires, les identifications sociales et politiques, elle propose des codes de déchiffrement du monde informés par le genre, fournit des modèles de vie au quotidien, introduit de nouvelles valeurs et de nouvelles formes culturelles et artistiques, mais elle diffuse aussi les préjugés, les résistances aux transformations, les rumeurs et les mythes. Christine Planté (LIRE-Lyon2) et Marie-Eve Thérenty (RIRRA Montpellier III) viendront présenter le projet qu’elles mènent actuellement, avec leur équipe, sur « Masculin/Féminin dans la presse du XIXe siècle ».
Les femmes artistes, « auteures d’elles-mêmes » : l’écrit d’artiste comme affirmation de soi
Au fil des dernières décennies, la recherche en histoire de l’art a permis de recenser des centaines d’œuvres créées par des femmes au cours des siècles. Confrontés à des pièces entourées de nombreuses zones d’ombre, les chercheurs se sont mis en quête de voix qui puissent éclairer leur genèse et révéler leur densité.
Un certain nombre de textes de créatrices sont aujourd’hui régulièrement convoqués par les historiens de l’art, au point de constituer des références incontournables dans le domaine. Un important travail de prospection reste à mener pour retrouver et analyser d’autres écrits susceptibles d’élargir notre vision.
Certaines formes d’écriture, comme le genre épistolaire et le journal intime, ont été régulièrement investies par les femmes, artistes ou non. De telles pages nous plongent dans l’expérience intime, filtrée et réinventée. Au-delà des mots, les silences, les caprices du trait de plume ou le choix du support peuvent nous parler.
Ponctuel ou récurrent, le besoin d’écriture sera souvent associé à un contexte spécifique. Quelles facettes d’une identité nécessairement plurielle s’affirment sur le papier ? Est-ce l’artiste qui se dévoile ? Au-delà du témoignage biographique, les écrits nous éclaireront peut-être sur l’engagement plastique de leur auteure, sur ses conditions de travail ou encore sur des moments de lutte et de transformation.
Femmes et critique(s) d’art : de la construction des images à l’invention d’une posture critique
L’étude de la critique d’art s’est constituée durant ces dernières décennies en objet d’étude à part entière et a généré, tant dans le domaine des études littéraires que dans celui de l’histoire de l’art, des recherches particulièrement stimulantes. L’analyse des stratégies rhétoriques propres au texte critique, comme celle de ses implications idéologiques et esthétiques, fait envisager le discours sur l’art comme discours social où viennent se refléter les débats qui agitent l’ensemble de la société. S’il est souvent conformiste, s’inscrivant parfaitement dans le discours institutionnel de l’époque, il peut également exprimer, de manière indirecte, des idées progressistes, voire subversives. De ce point de vue, il constitue un lieu d’observation stratégique pour aborder la question de la production et de l’élaboration des catégories du « masculin » et du « féminin ». En outre, il représente aussi pour les femmes, et ce, dès le XIXe siècle, malgré une faible visibilité, un lieu d’investissement et d’expression. Le discours féminin sur l’art apparaît d’autant plus intéressant qu’il invite à la réflexivité : en se confrontant à l’art de leur temps, dont la femme, rassurante ou inquiétante, était l’icône par excellence, les salonnières, renvoyées à leur propre image, à la perception qu’elles avaient d’elles-mêmes, de leur corps et de leur rôle social, étaient en effet poussées à s’interroger sur leur condition de spectatrices, mais aussi de femmes. Leur discours, marqué par ses prises de position comme par ses silences et ses détours, mérite à ce titre une attention particulière.
Autant de questions qui se prolongent et se reformulent au siècle suivant, au fil des évolutions artistiques et du développement des mouvements féministes...
Malgré le peu de textes disponibles ainsi que le nombre réduit ou fragmenté d’études dans le domaine francophone, la recherche anglo-saxonne nous a démontré l’importance des écrits féminins en ce qui concerne le cinéma (voir les anthologies proposées par Marsha Mc Creadin avec Women on Film : the Critical Eye ou encore celle compilée par Antonia Lant & Ingrid Perez, Red Velvet Seat - Women’s Writings on the first 50 years of cinema). Mais où et comment débuter l’étude de ces « écrits féminins » ? En effet, la diversité des sources est le premier objet d’une telle recherche : des textes de critiques à ceux de réalisatrices dès les premières décennies du cinéma (Alice Guy-Blaché, Germaine Dulac ou encore Maya Deren) jusqu’aux théoriciennes féministes à partir les années 70 - l’éventail est particulièrement imposant et éclectique. Il faut dès lors s’engager sur le terrain d’un choix ; pour une première approche, celui des réalisatrices/théoriciennes semble particulièrement intéressant. En effet, si la perspective féministe est clairement établie dans le cadre des théoriciennes à partir des années 70, qu’en est-il de la spécificité des textes précurseurs, conçus en dehors de tout à priori méthodologique ? Peut-on parler d’une écriture féminine ou d’un point de vue féminin pour leurs écrits au même titre que pour leurs productions cinématographiques ?
Programme
La place réservée aux femmes dans la presse
Présidence de séance : Laurence Brogniez (FUNDP) et Vanessa Gemis (ULB)
Christine Planté (LIRE/Lyon 2) et M.-E. Thérenty (RIRRA/Montpellier III) : À propos du projet de recherche « « Masculin/Féminin dans la presse du XIXe siècle »
Nelly Sanchez (Université de Bordeaux III) : « Rachilde, critique d’art »
Séverine Olivier (ULB) : « De la presse féminine à la chick lit : un rapport de genre(s) ? »
Table ronde avec Clotilde Bertoni (Univ. de Palerme), Laurence Mundschau (UCL), Pierre Van den Dungen (ULB)
Artistes, femmes et postures critiques
Les femmes artistes, « auteures d’elles-mêmes » : l’écrit d’artiste comme affirmation de soi
Présidence de séance : Alexia Creusen (École supérieure des arts Saint-Luc, Liège)
et Julie Bawin (ULG-FNRS/FUNDP)
Denise Noël (Docteur en Histoire, Paris), « Le journal de Sophie Schaeppi »
Thérèse Thomas (Docteur en Histoire de l’art et Archéologie/ULG) : « Le journal d’Anna Boch »
Femmes et critique(s) d’art : de la construction des images à l’invention d’une posture critique
Présidence de séance : Laurence Brogniez (FUNDP) et Amélie Favry (ULB)
Anne Higonnet (Barnard College, Art History Department, NYC), « Œuvres au féminin : production, collection, installation »
Véronique Danneels (VUB) : « Formes, attitudes et vocabulaire. Quelles sont les questions critiques introduites par les féministes ? »
Magali Parmentier (FRAC Lorraine) : « Les pourfendeuses d’idées reçues » (sur les expositions consacrées à des créatrices par le FRAC Lorraine)
Jean-Louis Tilleuil (UCL, Département d’études romanes, GRIT) : « Des femmes : enquête d’auteurs » (Femmes et bande dessinée contemporaine)
De l’écriture cinématographique au féminin
Présidence de séance : Muriel Andrin (ULB), Geneviève Van Cauwenbergh (ULG)
Laurent Guido (Université de Lausanne) : « Sur les écrits de Germaine Dulac »
Conférence de clôture
Elisabeth Lebovici et Catherine Gonnard à propos de leur livre Femmes artistes/artistes femmes (Hazan, 2007)
Établissements rhônalpins engagés :
— Université Lumière Lyon 2 (établissement porteur), ENS-LSH (établissement d’hébergement)
— INSA, Université Claude Bernard Lyon 1, Université Jean Moulin Lyon 3, Université de Savoie (Chambéry), Université Stendhal Grenoble 3, Université Pierre-Mendès France Grenoble 2, Université Jean Monnet Saint-Étienne
Le CNRS participe à travers ses chercheurs à temps plein et son rôle d’opérateur national auprès des unités de recherche ou de service dont il partage la tutelle avec les établissements précités, y compris l’Institut des Sciences de l’Homme.
Dans la seule limite de ses moyens, le cluster a naturellement vocation à faire bon accueil à toute proposition en rapport avec ses thématiques lorsqu’elle émane de collectivités territoriales, d’associations, d’institutions ou d’entreprises rhônalpines.