Cluster 13

Projet Création

Sociologie du mal : le récit policier, productions et réceptions.

4 mai 2007
contact : Jean-Pierre Esquenazi

Le récit policier s’est imposé au cours du 20ème siècle comme l’un des modèles du récit dans la civilisation occidentale. Initié par le roman, il est devenu l’un des recours du cinéma avant d’être l’un des genres les plus créatifs de la télévision. Une triple enquête sur le récit policier est envisagé : enquête sur les producteurs de roman et de séries télévisées, sur les ressorts du récit policier moderne, sur les lecteurs et les téléspectateurs consommateur de récits policiers des divers médias d’autre part. On s’appuiera sur une série d’entretiens menés avec des écrivains et des éditeurs d’une part, des producteurs et des diffuseurs de l’autre, sur des analyses sémiotiques des produits et des enquêtes sur les publics pour dresser un portrait de l’imaginaire du mal, tel que le récit policier en dessine les contours.

Objectifs scientifiques

- Comprendre ce que proposent et ce qu’attendent les créateurs et les fidèles des récits policiers, en particulier quant aux normes du bien et du mal, tout récit policier se devant de les définir pour son propre compte. L’hypothèse selon laquelle la définition imaginaire de cette frontière concerne directement notre univers social.
- En s’inspirant des théories des mondes de l’art, comprendre les conventions partagées par les producteurs et les récepteurs des récits policiers, en passant par les diffuseurs (chaînes de télévision spécialisées). Ces deux objectifs complémentaires s’inscrivent à l’intérieur d’une enquête sur les valeurs qui orientent notre société ; notre hypothèse de travail étant qu’un ensemble de ruptures sociales ont brisé les accords concernant nos valeurs morales et éthiques et sont responsables de l’état de désagrégation actuel. De ce point de vue, il complète un travail déjà entamé sur le fait divers journalistique. Ce dernier largement entamé a été marqué par un certain nombre de publications récentes dans le numéro 14 des Cahiers du Journalisme printemps/été 2005 . Ce travail est poursuivi par un colloque international qui aura lieu les 23 et 24 mars prochains intitulé Le fait divers dans tous ses états. Une part importante de ce colloque est consacré au récit policier.

Objectifs pratiques

Le projet implique la mise en contact de façons directe ou indirecte de l’ensemble des acteurs impliqués par le récit policier. Le travail sur la production du récit, à travers le projet d’un Observatoire du Récit Policier, va impliquer un certain nombre de manifestations et de rencontre entre les « pratiquants » du policier. Les chaînes Canal Jimmy, Treizième rue, Série club, les éditions du Seuil, UGI, Rivages participeront à ces manifestations. Ainsi on peut espérer dresser une cartographie de la place du récit policier dans diverses sociétés régionales, en fonction de la participation de différents partenaires scientifiques au projet

Déclinaison du projet

Enquêtes et entretiens auprès des diffuseurs et producteurs, en particulier Jean-Claude Zylberstein pour « Grands détectives » (UGI), la collection « Points policier » (Seuil), François Guérif pour la collection « Rivages/Noir ». Des entretiens de longue durée seront conclus par une journée d’études et de débats. Deux colloques seront organisés, dont le premier portera sur l’écriture du policier. Il sera l’occasion de confronter les écrivains du policier, leurs conditions spécifiques de travail, leurs sources d’inspirations avec des chercheurs qui ont pour but de définir une spécificité de l’écriture du policier.

Un second colloque sera consacré au développement très important et souvent moteur pour les autres pratiques des séries télévisées policières. Celles-ci se sont substituées au cinéma pour constituer les programmes vedettes de la télévision grand public ou de la télévision câblée. L’originalité de la sérialité télévisuelle sera ici au centre des débats. Là encore la confrontation des professionnels, directeurs de programmes, scénaristes, producteurs, acteurs, etc., de séries avec les chercheurs constituera un des intérêts essentiels de la manifestation. D’autre part des stands seront installés dans toutes les grandes manifestations concernant le récit policier dans la région. Il s’agira de permettre aux grands amateurs du genre de proposer leurs témoignages sur leurs activités de lecteurs. Dans le même état d’esprit, sera proposée aux lycées lyonnais une série de rencontres avec les lycéens au sujet du récit policier en images. Il s’agira là aussi de comprendre quels rôles joue le récit policier dans la vie de jeunes confrontés par ailleurs aux faits divers Complétera ces rencontres une enquête sur les lectures ou (télé)spectatures de récit policier qui sera lancée auprès des publics d’une part spécialisés (grands amateurs) et d’autre part lecteurs ou spectateurs occasionnels. Cette enquête profitera des acquis de l’enquête récente éditée sous les auspices du centre Georges Pompidou (Neveu & Collovald, Lire le noir, 2004, Centre Georges Pompidou). Il s’agira de reconnaître en particulier la place du récit policier dans la vie des lecteurs/spectateurs : s’agit d’une place intime ou plus sociale, sérieuse ou seulement divertissante, etc.

Enfin un séminaire permanent (une séance tous les quinze jours) permettra aux chercheurs d’accumuler les analyses historiques, sémiotiques, sociologiques sur le genre et ainsi de réunir des ressources importantes. Ce séminaire se tient actuellement à l’Université Lyon 3 le lundi matin. Il est difficile d’énumérer le détail des recherches qui ont déjà commencé et vont être impulsés. Bien sûr les recherches sur les publics du récit policier en seront une bonne part. Mais aussi des travaux sémiotiques sur les décors locaux du roman policier, le statut du « méchant » dans les séries américaines, la place de la banlieue dans le polar français, en sont des exemples. Cet ensemble de travaux donnera lieu à une première publication dans deux ans dans un volume intitulé Sociologie du mal qui doit paraître à La Découverte. Nous espérons pouvoir sortir deux ans après un second volume chez le même éditeur. La création de l’Observatoire de l’édition et des lectures (à l’Ennsib) et de l’Observatoire des séries télévisées (à Lyon 3) constituera ici une aide précieuse (voir plus bas).

Evolution de la proposition

Des chercheurs internationaux importants vont participer au projet à son départ dont certains sont des spécialistes du récit policier (comme Marc Lits de Louvain la Neuve, ou Martin O’Shaugnessy de Nottingham). Mais il est clair que l’un de nos objectifs principaux est de faire évoluer le projet pour qu’il atteigne une taille suffisante pour s’internationaliser sans dommage. Le récit policier jour un très grand rôle dans de nombreuses sociétés (L’Italie, L’Angleterre, la Suède, pour citer les plus flagrantes), et il est certain que l’étude de son enracinement social, de ses modes d’écriture et de lecture à travers l’Europe constituera un projet qui devrait être facilement accueilli par des partenaires européens nombreux.

Pour cela, nous comptons d’abord sur la réussite du projet sous sa forme actuelle, mais aussi sur les institutions que nous allons créer, et encore sur la participation du responsable de ce projet au futur GDRI Opus, que devait dirigé Alain Pessin et qui le sera finalement par Bruno Péquignot. Le réseau que constitue déjà OPUS en Espagne, Angleterre, Allemagne, Pologne, etc. sera ici un appui précieux.

Valorisation en culture scientifique et technique

La nature du projet permet de multiplier rencontres et débats avec des publics variés. Toutes les participations d’écrivains du policier seront l’occasion d’organiser rencontres, ateliers d’écritures dans des lycées, des librairies, les fêtes du livre, etc. Nous estimons que ces occasions permettront en même temps de recruter parmi les différents publics concernés des « amateurs », grands lecteurs de polar, ou des « occasionnels », dont les contacts avec le policier se réduit à des relations aléatoires.

Ces rencontres seront également l’occasion de mettre en scène les différents univers du polar, et de mesurer « en acte » les réactions au réalisme du polar, c’est-à-dire la conscience éventuelle des publics de la représentation des limites entre le bien et le mal que réalise le polar.



Établissements rhônalpins engagés :
— Université Lumière Lyon 2 (établissement porteur), ENS-LSH (établissement d’hébergement)
— INSA, Université Claude Bernard Lyon 1, Université Jean Moulin Lyon 3, Université de Savoie (Chambéry), Université Stendhal Grenoble 3, Université Pierre-Mendès France Grenoble 2, Université Jean Monnet Saint-Étienne

Le CNRS participe à travers ses chercheurs à temps plein et son rôle d’opérateur national auprès des unités de recherche ou de service dont il partage la tutelle avec les établissements précités, y compris l’Institut des Sciences de l’Homme.

Dans la seule limite de ses moyens, le cluster a naturellement vocation à faire bon accueil à toute proposition en rapport avec ses thématiques lorsqu’elle émane de collectivités territoriales, d’associations, d’institutions ou d’entreprises rhônalpines.