1- contexte scientifique et objectifs du projet

Ce projet a pour ambition de contribuer à la constitution d’une mémoire spatiale du théâtre européen contemporain. Les traces mémorielles concernant l’espace sont en effet rares et relativement négligées. Or les questions d’espace sont devenues primordiales dans les arts de la scène, comme en témoigne le sort fait, depuis le début du XXe siècle, au mot scénographie. Le propre de la scénographie est de composer le lieu adéquat à la représentation d’une action. C’est pourquoi il n’y pas de scénographie sans dramaturgie. Mais inversement il n’est pas de dramaturgie effective sans scénographie. Constituer une mémoire spatiale du théâtre contemporain pourrait permettre de mieux cerner les relations entre scénographie et dramaturgie, et ainsi d’interroger, au-delà des oppositions artificielles qui pèsent sur le regard critique, un des éléments essentiels de notre rapport au spectaculaire. Le deuxième objectif serait de rendre compte des mutations qui ont affecté notre rapport sensible à l’espace, mutations qui se lisent et se produisent dans l’ensemble du champ de l’art , mais qui s’expriment avec une particulière acuité dans la pratique de la scénographie. Au surplus cette approche nous met au voisinage du puissant mouvement de brouillage des frontières qui affecte aujourd’hui le champ de l’art et nous permet de l’envisager sous un angle fondamental car il engage à s’interroger concrètement sur la place qui est faite aujourd’hui au spectateur dans la représentation.

2- description du projet, méthodologie

Ce projet s’articule en deux volets. Le premier volet développera le séminaire « Le plateau à l’œuvre » lancé en 2008. le second consistera à mettre en place une banque de données (images, son, documents graphiques et commentaires ) axée sur la production scénographique contemporaine. Ni dans l’un ni dans l’autre cas il ne s’agira de viser à l’exhaustivité. Ce travail sera piloté d’une part par le souci d’identifier des expériences théâtrales contemporaines particulièrement significatives du point de vue de la scénographie, d’autre part il sera alimenté par la collaboration d’ores et déjà entamée avec la MC 2 (Maison de la Culture de Grenoble) qui entend développer dans les années à venir ses collaborations européennes. C’est à interroger le plus concrètement possible la productivité du plateau (et de la piste) que ce séminaire voudrait se consacrer. Essayer de cerner comment le plateau, ses dimensions, sa forme, ses transformations, ses exigences, ses hasards interfèrent dans la constitution du spectacle comme œuvre, telle est l’ambition. Ce séminaire est appelé à être reconduit d’année en année. Son programme sera étroitement lié à la programmation de la MC 2. Il contribuera à alimenter le deuxième volet et permettra d’en vérifier la faisabilité. Ce volet sera développé selon 4 axes. Le premier sera d’ordre monographique : il s’articulera autour d’artistes et de praticiens de la scénographie ; il s’agira de récolter les images, les dessins techniques, les informations relatives au travail de différents scénographes. Le deuxième axe consistera à recueillir les données concernant la mise en œuvre des spectacles retenus, envisagés sous l’angle de leur mise en œuvre spatiale (cadrage, décor, lumière, son, utilisation d’écrans) en étant attentif non seulement au résultat et à l’esthétique qui le définit, mais aussi au processus d’élaboration y compris dans ses aspects techniques. Le troisième axe s’articulera autour des lieux et le dernier se consacrera à des démarches expérimentales particulièrement significatives sous l’angle de leur rapport à la technique.

3- résultats attendus

Proposer un ensemble de références où la dimension technique et la dimension esthétique se croisent et se transvasent l’une dans l’autre, enrichissant la recherche théorique, de façon congruente à ce qui se produit sur un plateau. Cela devrait permettre de mieux comprendre comment agissent aujourd’hui sur le spectateur les jeux de la présence et de l’absence, l’utilisation simultanée de systèmes d’échelle différenciés, les multiples effets de seuil ou encore d’être plus précisément attentif aux effets esthétiques des expériences théâtrales qui tentent d’explorer les limites de la perception, préoccupations qui constituent la toile de fond de la création scénique contemporaine.